mercredi 25 novembre 2020

Nouveau polymère en Plastique recyclé pour l’impression 3D béton

Interview
Nouveau polymère en Plastique recyclé pour l’impression 3D béton
Bonjour Benoit Furet, pouvez-vous vous présenter et résumer les grandes actions menées par l’Université de Nantes dans la fabrication additive ?
équipe de ls2n
Benoit FURET, Professeur à l’Université de Nantes, enseignant à l’IUT de Nantes et Chercheur au LS2N (Laboratoire des Sciences du Numérique de Nantes).
Nous travaillons aussi bien en recherche qu’en enseignement sur la fabrication additive depuis bientôt 30 ans… ça ne me rajeunit pas 🙂
Nos activités ont d’abord porté sur l’industrie manufacturière puis avec mon collègue Sébastien GARNIER nous avons cherché à développer l’impression 3D XXL, avant de passer au domaine de la construction en 2015.


Comment est née l’idée de développer des maisons en béton par impression 3D multi-matériaux ?

Suite à la catastrophe naturelle au Népal, j’ai eu l’idée de réaliser une machinerie complète (robot et pompe) pour imprimer sur place des abris d’urgence… Voir la vidéo Innoprint3D

A partir de ce moment, certains on réagi sur les réseaux sociaux pour nous dire que « les chinois faisaient déjà des « vraies » maisons imprimées en 3D… »
N’étant pas spécialiste du génie civil, j’ai recherché, lu, fouiné, réalisé des déplacements en Chine ou encore je me suis rapproché d’un autre collègue spécialiste de la construction de l’Université de Nantes, Philippe Poullain, de l’IUT de St Nazaire et du labo GeM.
Après analyse, je me suis rendu-compte que dans toutes les expérimentations ils essayaient d’imprimer directement du mortier et ce n’est pas facile. Je me suis dit que pour une maison, il n’y avait pas que la partie structurelle qui était importante, mais aussi l’isolation thermique. C’est pourquoi, nous avons développé l’impression 3D multi-matériaux XXL robotisée pour réaliser des murs complexes (maîtrise la mécanique et la thermique).

Après des échanges avec Nantes Métropole et le bailleur social NMH, nous nous sommes lancés dans la réalisation de la première maison imprimée en 3D certifiée.
A titre d’exemple, en septembre 2017 nous avons réalisé la maison YHNOVA de 95m² imprimée en 54h directement sur place avec un robot. La construction a été certifiée via un ATEX par le CSTB. Cette maison est habitée depuis plus de deux ans par une famille de cinq personnes, heureuse du confort et du bien-être procuré par les formes 3D adaptées à l’environnement.

Grâce à l’impression 3D, aucun arbre n’a été abattu pour cette construction. C’est la maison qui s’est adaptée à l’espace. N’est-ce pas le plus grand avantage de la fabrication additive que de réaliser des produits sur-mesure parfaitement adaptés au besoin du client ?

Fin 2019, après la rencontre avec un chef d’entreprise du bâtiment, Hedy Zouaoui et moi-même avons créé la société BATIPRINT3D. En effet, le droit français permet à des enseignants/chercheurs de contribuer à la création de start-ups.

L’ambition de BATIPRINT3D est de commercialiser les machineries d’impression 3D pour la construction (machine, robot, pompe, process associé, chaîne numérique spécifique…).
En parallèle, nous développons des solutions robotisées de fabrication additive pour réaliser la rénovation thermique des bâtiments existants.. En effet, rénover minimise considérablement l’impact sur environnement.


Actuellement, vous développez un projet avec une société Canadienne intégrant un nouveau polymère à partir de plastiques recyclés, pouvez-vous nous en parler ?

Oui, nous travaillons avec une société Québecoise qui produit des mousses expansibles mélangeant différents ingrédients à base de PET recyclé ou d’huile végétale. Ces mousses sont très utilisées en Amérique du nord pour isoler des habitations classiques en ossature bois, brique ou autre…

Les mousses expansibles facilitent l’impression 3D grand format mais ont des limites. Après avoir été imprimé en 3D, on peut produire des pièces jusqu’à 30 à 40 fois leur volume d’origine. Il faut aussi contrôler les effets thermiques et mécaniques.

Élodie Paquet, une de nos doctorantes a développé une approche multiphysique de la modélisation numérique de l’impression 3D de matériaux expansifs… le tout combiné à une chaîne numérique complète pour piloter les trajectoires de dépose avec une machinerie dont l’espace de travail est plus petit que la pièce à produire.


Comment s’intègre la partie recyclée dans ce projet ?

Dans tous nos projets nous intégrons ces matériaux à base de PET recyclé. Maintenant une maison, de taille moyenne, imprimée en 3D avec la solution Batiprint3D, c’est environ 13 000 de bouteilles en plastique recyclées. A long terme, lors d’une déconstruction, ces matériaux peuvent être broyés pour reformer des plaques d’isolation ou introduits sous forme de copeaux dans des dalles en béton pour les isoler. Ils sont donc ré-exploitables.


Avez-vous d’autres projets en cours ou à venir prochainement ?

La prochaine réalisation sera une maison de 130m² sur deux étages, réalisée avec et pour la société ERB-Bâtiment (49), dans un éco-quartier sur la commune de Beaucouzé (49).
La maison sera construite avec les principes de Batiprint3d pour l’impression 3D multi-matériaux. La production d’éléments pré-fabriqués sera réalisée en atelier et pour le reste, directement sur le chantier à l’aide d’un robot.
Pour le design de la maison, nous avons fait appel à notre approche de DFC ou DFAM (Design for Construction or for Additive Manufacturing). Les formes seront optimisées en fonction des besoins des futurs habitants, du site de construction, de l’orientation solaire ou encore de l’environnement déjà existant. Nous utiliserons des outils de réalité virtuelle et de réalité augmentée conçus par la start-up Nantaise PIRO-CIE, partenaire de Batiprint3d.

Il est important de noter que l’impression 3D et le choix des matériaux associés contribuent à la performance environnementale de la maison qui selon la nouvelle règlementation RE2020 sera classée E2C1. En effet, la quantité de matière est ajusté en fonction du besoin et la forme 3D de la maison contribuera à la performance énergétique. C’est ce que l’on peut appeler : l’éco-dimensionnement.

Pour plus d’informations : https://www.batiprint3d.com/fr