mercredi 16 avril 2025

Des matériaux toujours plus vertueux pour l’impression 3D

Des matériaux toujours plus vertueux pour l’impression 3D


Jérémy Lucas et Robin Alauze sont deux entrepreneurs passionnés de la mer. Le premier vit en Bretagne, face à l’océan Atlantique, et le second en Occitanie, proche de la Méditerranée. Même s’ils travaillent dans des secteurs très différents, ils partagent la même volonté d’être exemplaires sur les aspects environnementaux de leurs projets. Tous les deux utilisent l’impression 3D au quotidien, avec l’ambition de développer les produits les plus vertueux dans leur domaine. Pour cela, ils n’hésitent pas à inventer de nouveaux matériaux.
Paradoxal surfboards
Jérémy Lucas a fondé la société Paradoxal Surfboards en 2024, avec l’idée de créer des planches de surf en matériaux biosourcés. Une alternative aux planches classiques réalisées en polystyrène et polyuréthane, deux matériaux issus de l’industrie pétrochimique. Comme il maîtrise déjà la technologie FDM, l’entrepreneur imagine des planches imprimées, aux formes intérieures organiques. Mais la gamme de matériaux disponibles ne lui convient pas… L’ABS ? « Impensable, car c’est un plastique fabriqué à base de pétrole », explique-t-il. Le PLA alors ? « Pas assez écologique. Même s’il est fabriqué à partir d’amidon de maïs, les cultures de maïs sont très gourmandes en eau et impliquent l’usage de pesticides. » Sa solution, Jérémy Lucas l’a imaginée en pensant au spot de surf qu’il fréquente depuis son enfance : la plage du Ris, à Douarnenez (Finistère). Ce site est fermé régulièrement en raison de la prolifération d’algues vertes. Chaque année, la municipalité en évacue des millions de tonnes, ce qui a déjà donné naissance à des filières de revalorisation sous forme d’engrais ou de farines animales. Mais jamais encore dans des filaments de plastique pour imprimantes 3D. « Nous avons travaillé avec le Centre d’Études et de Valorisation des Algues, avec le laboratoire ComposiTIC et plusieurs sociétés qui collectent et recyclent les algues, détaille Jérémy Lucas. Ensemble, nous avons créé un polymère imprimable 100 % écologique, dont l’amidon est extrait d’une algue brune appelée sargasse. C’est le matériau qui est utilisé dans notre premier modèle de planche de surf, commercialisée à partir de 2025. La prochaine étape sera de réussir à intégrer notre algue verte bretonne, pour en faire un produit local en plus d’être biosourcé ».
Lineup
Dans le Sud de la France, Robin Alauze, fondateur de la société LineUp Ocean, s’est lancé un autre défi : aider les villes côtières à limiter les effets du changement climatique et de l’action humaine. Des villes qui sont confrontées à l’élévation du niveau de la mer, au recul des plages en raison des aménagements urbains, et à la raréfaction de la vie marine sur les littoraux. « Nous voulons répondre à ces trois enjeux grâce à des ouvrages maritimes plus efficaces que ceux qui étaient proposés jusqu’ici, et nous voulons qu’ils soient à la fois écoconçus, bio-inspirés et biosourcés », expose Robin Alauze. En termes d’écoconception et de bio-inspiration, les ouvrages de LineUp Ocean font un sans-faute. Comme les digues traditionnelles, ils réduisent les effets destructeurs des grosses vagues, de plus en plus fréquentes en raison du dérèglement climatique. Mais à l’inverse des empilements de blocs de roche ou de béton, ces ouvrages ne constituent pas une barrière opaque. Grâce à leur structure en treillis, ils ne bloquent pas les petites vagues, qui jouent un rôle important car elles rapportent le sable vers les plages, évitant à ces dernières de reculer. Enfin, avec leurs formes imitant des récifs coraliens, ces ouvrages favorisent la recolonisation par de nombreuses espèces marines. Bien sûr, pour fabriquer ces barrières de corail artificielles, l’impression 3D était tout indiquée. LineUp Ocean a fait appel à la société 3D Concrete, basée à Perpignan, qui utilise des robots XtreeE spécialisés dans l’impression de structures de grand format en béton. Mais pour Robin Alauze, le fait d’immerger des blocs de béton, imprimés ou pas, n’était pas assez vertueux. « Nous pouvions faire mieux, tant du point de vue de l’économie circulaire que du respect de l’environnement, commente-t-il. Alors nous avons exploré toutes les initiatives existantes dans le domaine du béton, et nous les avons combinées pour créer un nouveau matériau compatible avec l’impression 3D ». Pour ce faire, l’entrepreneur montpelliérain a d’abord étudié les mortiers dits « bas carbone », qui sont obtenus en utilisant moins d’eau et de ciment que les mortiers classiques, et selon des procédés optimisés en termes de rejets de CO2. Restait la question du sable, le troisième ingrédient du mortier. LineUp Ocean s’est tournée vers la filière des coquilles d’huitres broyées et recyclées. Une solution déjà utilisée par certains industriels de la construction. Alors que les solutions existantes remplacent jusqu’à 30 % du sable par de la coquille d’huitre, Robin Alauze a voulu tester les limites du mélange. Il atteint aujourd’hui 50 %. Un chiffre inédit, mais qui devrait être dépassé dans les prochaines versions de ses produits. « Nous avons réussi à créer le premier mortier pour impression 3D qui soit à la fois bas carbone et coquillé, avec une proportion de coquilles d’huitres inégalée, résume Robin Alauze. Au-delà de l’innovation, c’est une réponse adaptée à nos ouvrages car la présence de coquilles d’huitres permet au matériau de mieux s’intégrer à son environnement tout en offrant de bonnes propriétés mécaniques, et des caractéristiques de porosité et de PH propices au développement de la vie marine ».
En ne ménageant pas leurs efforts sur les aspects environnementaux de leurs projets, et en s’associant avec des experts locaux, les start-ups Paradoxal Surfboards et LineUp Ocean ont su développer des matériaux inédits, qui leur ont déjà valu de nombreuses récompenses et distinctions. En ce sens, Jérémy Lucas et Robin Alauze peuvent être une source d’inspiration pour tous les entrepreneurs… qu’ils soient passionnés de la mer ou non.

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